En 2011 au Canada, on estime à 23 400 le nombre de femmes qui recevront un diagnostic de cancer du sein et à 5 100 le nombre de celles qui en mourront. En moyenne, chaque jour, 64 Canadiennes apprendront qu'elles sont atteintes du cancer du sein et 14 Canadiennes mourront des suites de la maladie. Une femme sur neuf risque d'avoir un cancer du sein au cours de sa vie. Une femme sur 29 en mourra. Le 16 décembre 2011, je suis devenue officiellement une des 23 400 femmes ayant un diagnostic de ce cancer. En 2021, on estime que 229 200 Canadiens recevront un diagnostic de cancer et que 84 600 décèderont du cancer.


lundi 30 janvier 2012

CBJ, Rencontre avec Doris

Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois, je suggère de commencer par le début. Et pour vous éviter de chercher dans les archives, dont la chronologie est inversée, j'ai mis les liens ci-contre.

J’ai accueilli la demande d’entrevue de CBJ Saguenay-Lac-Saint-Jean comme le début d’une réponse à la création de ce blogue. Utile ou futile cette mise à nu de cette période de ma vie?  Il semble que cela puisse s’avérer utile.

Éveillée à l’aube par ce système d’alarme interne qui ne fait pas confiance à la sonnerie de mon réveil électrique, j’ai commencé à remettre en question ma participation à cette entrevue pour Café Boulot Dodo. Le doute sur la pertinence de mes confidences a refait surface, même si ma décision de mettre en ligne Nordique du cancer a été réfléchie.

-    Assume, a répliqué mon cerveau gauche.   
-    S’ils te le demandent c’est qu’ils croient que cela en vaut la peine, a ajouté mon cerveau droit. 
-   C’est tout de même moi qui se dénude, me dis-je. Je peux avoir autant de retours positifs que négatifs.   
-    Bof! Tu raffoles des tomates et les citrons sont excellents pour le système immunitaire, ont conclu mes deux cerveaux.



À 8h38, sonne le téléphone. Mise en onde dans deux minutes. J’en profite pour me rappeler la raison d’avoir confiance : Doris sait poser les bonnes questions.

L’entrevue terminée, j’ai le sentiment d’avoir reçu un présent. Le préambule de Doris me conforte dans la décision de poursuivre ce blogue.  Par contre, mon sens critique me rappelle que j’ai inversé les statistiques. Contrairement à ce que j'ai dit, ce sont une personne sur quatre qui aura un cancer au cours de sa vie et une femme sur neuf qui aura un diagnostic du cancer du sein.

Lien vers l’entrevue : CBJ 30-01-12

***

samedi 28 janvier 2012

Après l'opération

Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois, je suggère de commencer par le début. Et pour vous éviter de chercher dans les archives, dont la chronologie est inversée, j'ai mis les liens ci-dessous :

Page 1.  2012/01/14  Un orage sur l'océan
Page 2.  2012/01/15  La veille
Page 3.  2012/01/26 Aujourdhui 26 janvier




Retour sur le 16 janvier


Le réveil post opératoire est très particulier. Avant que les souvenirs ne refluent, on passe d’un point néant à un stade sonore avant même de retrouver le sens du toucher. Des voix envahissent petit à petit mon espace, imprécises, flottantes, jusqu’à ce que les mots prennent un sens et que, finalement, je comprenne que quelqu’un m’appelle.

J’émerge tandis qu’autour de moi je capte des présences floues, le temps d’une mise au point mentale qui redonne à chaque chose sa réalité.

Cet après-midi du 16 janvier, la première sensation bien tangible est la douleur. L’impression d’être prise en traître, sans défense contre un coup de stylet irradiant dans la poitrine et le bras. Douleur à peine exprimée, aussitôt soulagée. Bien sûr, la notion du temps n’appartient pas à cet univers cotonneux d’un entre deux mondes où s’opposent conscience et inconscience. Mais l’intervention efficace de l’ange blanc m’a semblé rapide.

Je suis repartie pour un nouveau somme m’apprendra-t-on plus tard. Laissée à mon propre rythme, c’est la patience de mon accompagnateur qui est sollicitée. Au réveil, j’ai l’apparence d’un être lucide, mais les souvenirs ne sont pas vraiment fidèles. Habillement, chaise roulante jusqu’à la sortie, froid de l’extérieur, trajet familier pour retourner à la maison. Repas dont je ne me souviens pas, confort du fauteuil et sans doute bien d’autres détails oubliés ponctués à heure fixe par la prise des médicaments. Rien de lourd : 500mg d’acétaminophène aux 6 heures, 1mg de morphine aux 4 heures.

Revenir

Les premiers jours et nuits coulent en douceur. Ou je dors ou je regarde la télé. Je tente de lire et d’écrire mais la tête est dans la brume. Je ne veux ni réfléchir à l’avenir, ni faire le bilan du présent. Ce qui m’obsède c’est la perspective d’une vraie douche qui sera possible une fois les pansements enlevés.

Lors de la visite pré-opératoire, Tony m’a transmis un nom précieux. Celui d’une infirmière oncologue désignée pour les cas de cancer du sein. J’ai son numéro de téléphone et celui de son téléavertisseur. Elle est là en tout temps pour répondre à mes questions, me conseiller au besoin, être attentive à mes angoisses. Si elle est absente, comme ce fut le cas pour Karine, quelqu’un d’autre la remplace. Aucun appel n’est resté vain. J’ai toujours eu un retour à mes messages laissés dans sa boîte vocale. C’est beaucoup. Cette présence mise à ma disposition est rassurante. La savoir là m’enlève toute peur de déranger du personnel sur-occupé pour des questions futiles sur le pansement, ou essentielle sur les assauts d’une forte douleur au bras gauche tandis que la réserve d’anti-douleur touche le fond.

Dès le vendredi, je limite les médicaments à trois puis à deux par jour. Et j’entreprends les exercices conseillés pour redonner au bras sa mobilité. J’ignore tout de l’opération. Il faut compter de 10 à 15 jours pour avoir les résultats des analyses et ma rencontre avec mon chirurgien est prévue pour le 31.

Fêlure en la demeure

Mieux je vais, plus s’insinuent les questions. Je crois que chaque jour « après » me mène quelque part. Sauf que ce lieu m’est inconnu.

Je me consolais de mon peu d’énergie par la sensation de sentir aussi s’éloigner la douleur. Illusion! Le soir quatre, une main invisible serre mon bras si violemment que la douleur provoque un mal de tête carabiné et des nausées. J’ai l’impression d’avoir une balle de golf sous le bras, une sensation d’un froid intense et je ne sais pas quoi faire pour que cela arrête.

Je n’entends ni ne vois les attentions et les mots rassurants de mon compagnon. Dans l’immédiat, je me sens frappée et désarmée. Ma raison elle-même s’est esquivée face à l’emprise d’un orage intérieur. Est-ce désormais cela ma vie? Comment vais-je pouvoir affronter les prochains mois et son cortège de mal-être que risque de provoquer la chimio et la radiothérapie? La laideur des cicatrices ajoute à mon désarroi devant ce qui reste de ce corps jadis triomphant.

Un tourbillon d’émotions plus négatives les unes que les autres m’enveloppe. Je m’isole pour ne pas voir la tristesse et l’inquiétude du regard de l’autre. Quelque chose se fissure en moi.

Heureusement, mon orgueil est plus grand que ma faiblesse. Je m’ordonne d’arrêter cette descente. Une bonne douche froide fait le reste.

-    Je suis moins forte que je ne le crois, dis-je à mon homme en retrouvant le refuge de ses bras.

Quelques réponses

Sept jours après l’opération, je savoure mes plaisirs de la marche et de la lecture. Deux jours plus tard, je dépense l’énergie retrouvée sur mon clavier. Et le 27 janvier, grande sortie en ville : rencontrer mon radio oncologue, Marc-André Brassard, récipiendaire du prix César-Galéano. Belle rencontre!

Enfin quelques réponses! L’espoir est grand. L’hiver, le printemps et l’été ne promettent pas des fleurs pour autant. Risque de pleurs à l’horizon. Je me projette en automne où tout cela sera peut-être derrière moi.

J’en saurai plus mardi le 31, après avoir revu MON chirurgien.

Ce soir, je suis calme. Je profite de chaque instant. Les présences tendres. Les rires complices. Mes points d’interrogations sont interdits de séjour jusqu’à mardi. 

***
à suivre


jeudi 26 janvier 2012

Aujourd'hui 26 janvier

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Aujourd’hui

Le 27 décembre 2004, soit 11 jours après une opération du sein droit, je retournais au travail. Aujourd’hui, le 26 janvier 2012, soit 10 jours après une opération au sein gauche, ferais-je la même chose si je n’avais pas choisi de quitter mon emploi pour avoir – enfin! – le temps de me consacrer à tous mes projets?

Ce n’est qu’un exemple d’une des questions qui tourbillonnent dans ma tête. Elles sont nombreuses, disparates, rationnelles souvent, émotives parfois.

Ce n’est pas la première attaque que j’affronte. Les coups de gueule de la vie, je connais depuis l’enfance.  À partir de 1995, certains diraient que c’est du harcèlement. Cet automne-là, le corps paralysé côté gauche du pied à l’épaule, j’ai reconquis le premier pas comme une victoire sur toutes les adversités futures. Puis, il y a eu 1996, 1999, et le printemps rouge de 2002 où la défaite annoncée n’a pas eu lieu, me laissant tout de même dépouillée des acquis de toute une vie que j’ai dû reconstruire, chantant pour moi les mots de Cabrel :


Vous pouvez détruire

Tout ce qu'il vous plaira

Elle n'a qu' à ouvrir

L' espace de ses bras

Pour tout reconstruire

Je n’ai pas envie de nommer ni d’entrer dans le détail. Peut-être raconterais-je plus tard ces batailles répétitives et surtout, après 2002, cette longue marche de 28 mois pour retrouver les gestes d’un corps vivant autant que les mots qui sont le sang de l’écrivaine.

Ce qui m’importe c’est de savoir que, contre toute attente, le 24 août 2004 je franchissais, tremblante, les portes de la salle de rédaction pour y reprendre place. Et quelques mois plus tard, ma place.

Ce que je venais de traverser m’avait laissé un sentiment d’invulnérabilité. Tomber, oui, c’était encore possible. Mais toujours je me relèverais.

Octobre 2011

Dix jours après avoir sollicité un rendez-vous pour une mammographie, fidèle à ma routine préventive aux deux ans, je me rends au premier étage de l’hôpital de Chicoutimi. Un examen inconfortable certes, en tout point désagréable et pourtant recommandé. Vivement une alternative accessible, me dis-je, tandis que la technicienne s’excuse avec gentillesse de me faire si mal.

Il faudra attendre encore un peu pour mieux connaître d’autres méthodes, comme la mammographie numérique ou l’IRM que décrit cet intéressant document tout en demeurant attentif à être bien informé, afin d’éviter les fausses croyances contre lesquelles nous prévient le programme québécois de dépistage du cancer.

Novembre 2011

Quand sonne le premier rappel, on hausse les épaules avec toute la désinvolture de celle qui se souvient d’une fausse alarme. C’était en 2005. Suite à une mammographie du 3 octobre, on a détecté un nodule de 6mm au sein gauche. Le 16 décembre 2005, un an jour pour jour après l’opération du sein droit, je me retrouve donc en radiologie pour une échographie. Cet examen écarte toute crainte. Invulnérable disais-je!

Jusqu’au 21 novembre 2011, je suis une femme en plein élan créatif, forte de ses certitudes amoureuse et maternelle qui inscrit la musique dans ses rendez-vous d’hiver. Ce jour-là, je deviens une femme qui confond les heures avec les jours, envahie par l’urgence de passer la biopsie annoncée qui mettra fin au doute et son amie la peur.

Le 24 novembre, à 14h, un appel du centre hospitalier confirme ce rendez-vous pour le 30. Seulement trois jours que j’espère cet appel. Je les ai ressentis comme s’ils avaient duré des semaines. Il est temps que la raison revienne mettre de l’ordre dans cette cacophonie de doute, de peur et d’émotions. Les films d’horreur peuvent oublier les oscars. Mon cinéma intérieur les surpasse.

Une fois le verdict confirmé quel autre choix sinon d’aborder ce qui va suivre comme on va au combat? Le but est de vaincre l’ennemi. Mes médecins seront mes alliés. Leur expérience, la somme de leurs connaissances, la technologie et les médicaments seront leurs armes. Mais que je le veuille ou non, c’est moi qui s’en va-t-en guerre.

Le 16 janvier 2012

L’aube est noire. Dernière douche sur un corps intact. Tous mes sens sont aux aguets. Je capte tout pour me souvenir de cet avant bien tangible, car je sais que dans quelques heures tout sera empreint d’un après inconnu. 

Tout ce que j’ai pu apprendre ces dernières semaines sur ce mal qui me ronge, tout ce que j’ai appris du combat de mes sœurs d'armes et de larmes confirment à quel point l’expérience demeure unique. Mon armure est forte des victoires des autres autant que de la confiance affirmée dans les nombreux témoignages de réconfort que « les miens » ont pris le temps de m’écrire.

Dans l’ascenseur qui grimpe les six étages, une jolie dame blonde s’agrippe à sa petite valise noire. On se sourit. On se devine. On se comprend.

Dans la salle d’attente, les chaises sont presque toutes occupées. Les uns accompagnent les autres. Certains s’enferment dans leurs pensées. D’autres fixent l’écran de la télévision ouvert sur un flot de nouvelles. D’autres bavardent à voix forte sans retenue sur la forme et le contenu. Je m’appuie sur le bras de mon compagnon. Malgré la salle surchauffée on a gardé nos vêtements de ce pays nordique et pourtant c’est la chaleur de son amour que je ressens sur ce bras gauche bientôt condamné à demeurer fragile.

Le temps de s’inscrire que voilà l’appel. J’entends chaque nom avec tristesse. On n’est pas à une remise de trophées. C’est une distribution de lits.

Je suis dans ma bulle. Docile aux directives. L’approche est chaleureuse. Je sais que derrière chaque rideau il y a une personne. Et pourtant on pourrait croire être la favorite tellement il y a de la présence, de l’empathie. Et cela ne se démentira pas dans la salle d’opération où un jeune homme m’a guidée, prêt à me soutenir si je venais à flancher sur mes jambes. 

On m’invite à m’étendre. L’anesthésiste, le Dr Stéphane Fallu, se présente. Il est masqué, mais je l’excuse sans peine. Ses yeux confirment les mots rassurants : « C’est moi qui veillerai sur vous ». Peu après mon chirurgien entre dans mon champ de vision. Un champ que je veux grand pour tout voir. Il s’approche et son regard s’accroche au mien parce qu’il veut que j’entende ses mots. Non, il ne me demande pas comment ça va. Il le sait…  mieux que moi. « Cela va bien aller », affirme-t-il. Et ces mots-là, à cet instant, me font un bien immense. Je m’abandonne confiante.

***

dimanche 15 janvier 2012

La veille



Me voici le jour avant. Opération prévue demain, 16 janvier. Ma valise est prête. Christiane s'en va t'en guerre.

Mes enfants ont préparé le repas du soir. Chaud de tendresse. Mes petits-enfants se croyaient à la fête. C'en était une en quelque sorte. Un beau moment!

Et voilà que vient le temps des bisous. Les petits m'ont fait des câlins. Les bisous rituels précédant l'heure douce où ils vont aller dormir. J'ai senti ma gorge se nouer. Mais quand mon grand garçon m'a prise dans ses bras, j'ai subi l'assaut d'une vague de larmes sur le bord de mes paupières. J'avais envie que ses bras me gardent, qu'ils soient une forteresse contre la peur qui malgré moi s'insinue à l'orée de cette nuit. L'orgueil laforgien a érigé une digue contre la marée montante et je me suis esquivée sous prétexte de ranger la cuisine. Les larmes ont reflué.

Mon amoureux n'a pas été dupe. Il a l'intelligence du cœur. Il sait être là sans s'imposer. 

Le 31 octobre dernier, j'étais sans inquiétude en passant l'examen de routine. Le 17 novembre, je demeurais stoïque devant le rappel du centre de radiologie pour m'inviter à reprendre une mammographie du sein gauche. J'avais vécu cela en 2004 et affronté une mini masse de 2 millimètres opérée le 16 décembre qui m'a classée dans la catégorie à risque. L'ajout d'une échographie à l'examen du 21 novembre n'a même pas ébranlé ma conviction que rien de grave ne pouvait m'arriver. J'avais déjà bien assez donné à ce chapitre. Mais le Dr Lord avait le front soucieux. Elle a guidé mes doigts pour m'aider à sentir l'intrus, à peine perceptible qui avait échappé aux autos examens répétitifs des deux dernières années. Lorsque je la quitte, commence l'attente pour une biopsie.

Difficile de freiner les galops d'une anxiété croissante, me disant que chaque jour devient un jour de trop. J'ai l'impression que cela fait une semaine, alors que le 24 novembre, on me fixe le rendez-vous crucial pour le 30 novembre. Échographie et biopsie. Le Dr Lord est attentive, sensible. Sollicite mes questions. Explique chaque intervention. Je me sens comprise et respectée. Les résultats de la biopsie peuvent prendre dix jours. Je me dis que chacun de ces dix jours est un jour de plus où le crabe conquiert un peu plus de terrain. Nous ne parlons plus de millimètres, mais de centimètres. Au moins deux. 

Le 8 décembre, on me convoque pour un rendez-vous avec mon chirurgien le 16 décembre. Les résultats seront-ils enfin arrivés? Je plonge dans la grande mer d'Internet où les bonnes et mauvaises informations pullulent. Je trouve quelques documents forts bien faits qui aident ma raison à aborder les faits avec calme. Je lis des témoignages. Ce sont les survivantes qui m'intéressent. Mais les histoires malheureuses se glissent dans le parcours. Il est temps de prendre du recul, d'affronter l'attente en me disant que je ne peux rien changer à ce qui est. Je ne doute pas un instant que j'ai bien l'intention de tout faire et de tout demander pour sortir vivante de ce champ de bataille.

Le 13 décembre je reçois l'appel de Gaétan, mon médecin depuis 29 ans. Il a eu les résultats. Tous se taisent dans la pièce, tandis que j'écoute à la fois le verdict et les paroles d'amitié.

Je voulais te dire que je sais et que je suis là pour toi si tu as besoin de moi. Tu es entre bonnes mains. Aie confiance.

Je suis debout, tremblante, à la fois soulagée et déçue. J'espérais encore que la biopsie écarterait le pire. C'est le contraire. Cette fois, la bête est envahissante. Je me redresse et annonce :

Bonne nouvelle, les résultats sont arrivés. On saura donc ce qu'il en est vraiment le 16 décembre. 

Ce rendez-vous ouvre la porte à l'optimisme. Il s'agit d'un cancer invasif au stade 2, mesurant 2,5 cm. J'assure que je ferai tout pour le combattre. Justement, confirme le chirurgien, il a bien l'intention d'en faire autant. J'exprime ma crainte devant l'attente avant d'agir. Il m'assure que je serai opérée en janvier. On se quitte sur le même objectif : je veux vivre.

Je suis classée prioritaire. Dans ma tête une idée surgit. Prioritaire parce que je suis en danger?  Prioritaire parce que cela va de soi que le temps est l'allié de l'ennemi? Et me voilà qui culbute mentalement dans la peur que quelque chose arrive qui retarde l'opération. Un rhume, une grippe... En pleine festivités de Noël et du Jour de l'An vais-je parvenir à me prémunir contre tous les virus des autres?

Le 22 décembre scanner des os. Les visages sont impassibles. Impossibles de deviner ce qu'ils voient. 

Le 4 janvier rencontre préopératoire et autres examens : radiologie, électrocardiogramme, prise de sang.

Le 11 janvier, échographie : foie, estomac, vésicules, reins, etc. Le Dr Rousseau pose des questions me parlent. Elle est à l'écoute et je la quitte presque rassurée sur ma crainte d'un envahissement précoce.

Mon futur oncologue était prêt à me rencontrer le 17 janvier. Le rendez-vous devra être reporté puisque je serai opérée le 16 et qu'il faudra, encore une fois, attendre au moins deux semaines avant les résultats de la masse prélevée.

Il est 21h58, dimanche 15 janvier. Les statisticiens prévoyaient que 23 400 femmes devaient recevoir un diagnostic du cancer du sein en 2011. J'ai 23 399 compagnes de guerre. Je pense à elle, car pour moi elle ne sont pas une statistique.

Je n'éprouve ni colère ni sentiment d'injustice. C'est la vie. Rien de plus, rien de moins. Dans une logique implacable mon fils, avec cet humour tendre dont il a le secret, m'a dit:

– Si tu étais morte en 2002 comme ton état le laissait croire tu n'aurais pas un cancer aujourd'hui.

Donc, si j'ai un cancer en 2012 c'est parce que je suis vivante. Ce qu'il faut maintenant, c'est de prendre les bons moyens pour continuer de l'être.

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samedi 14 janvier 2012

Un orage sur l'océan

Le 4 janvier dernier, sur le blogue Orage sur Océan, j'annonçais la forme de mon prochain combat en ces termes. 

Ce n’est pas important de faire l’inventaire des combats menés. Ils furent nombreux. Mes cicatrices sont les strates de mes victoires.

Un jour, pourtant, j’affronterai le dernier. Je ne le saurai pas avant le coup fatal. J’aimais bien l'idée de poursuivre ma vie dans la certitude orgueilleuse d’avoir eu le dernier mot. Pendant longtemps encore, savourer chaque année l’étonnement ravi de mes guerriers en sarrau blanc devant une persistante amélioration de mon état de santé… contre toute attente précisons-le. Affronter chaque évaluation sans peur aucune de découvrir une nouvelle faille, convaincue d’en avoir fait le tour.

 Le 31 octobre 2011, j’étais certaine de me soumettre à une simple routine préventive. Le 16 décembre j’ai entendu battre de nouveau mes tambours de guerre.

Me revoilà donc au centre de l’arène.

L’ennemi à combattre a la forme d’un crabe.


Peu après de nombreux messages me sont parvenus. J'y ai puisé énergie et confiance. Ces témoignages d'amitiés et de solidarité, parmi lesquels mes consœurs et confrères journalistes me servent de rempart quand, quelquefois, le doute et la peur s'insinuent entre ma raison et mes émotions. J'ai pris conscience de cette certitude qu'ils ont tous exprimés que j'allais me battre et vaincre. Pas de pitié. Seulement une totale confiance en moi. Et le désir d'être informés de la suite des évènements.

Ces pages seront un peu mon journal de bord. Que sera-t-il? Je l'ignore. Je l'écris avant tout pour moi, comme une thérapie.