En 2011 au Canada, on estime à 23 400 le nombre de femmes qui recevront un diagnostic de cancer du sein et à 5 100 le nombre de celles qui en mourront. En moyenne, chaque jour, 64 Canadiennes apprendront qu'elles sont atteintes du cancer du sein et 14 Canadiennes mourront des suites de la maladie. Une femme sur neuf risque d'avoir un cancer du sein au cours de sa vie. Une femme sur 29 en mourra. Le 16 décembre 2011, je suis devenue officiellement une des 23 400 femmes ayant un diagnostic de ce cancer. En 2021, on estime que 229 200 Canadiens recevront un diagnostic de cancer et que 84 600 décèderont du cancer.


vendredi 30 mars 2012

Chimiothérapie 1

Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois,  je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés par ordre chronologique dans la colonne de droite. 

28 mars

Ouf! Chimiothérapie 1. Il ne reste que trois séances.

J’ai bien tenté sauvegarder le plus de souvenirs possibles de cette première séance de chimiothérapie. Beaucoup d’interférences dans ce qui se passe : des émotions, de l’anxiété, un désir d’apprivoiser l’inconnu et, plus que tout, l’espoir.

5 h 45 : je devance mon réveil, préoccupée davantage par l’oubli de quelques tâches bénévoles à terminer pour un organisme culturel qui me tient à cœur. Des documents à expédier et quelques courriels à écrire pour tout orchestrer. Si j’en parle, c’est que cela fait partie du cheminement dans ce combat : il est plus difficile de s’abandonner que de continuer à vivre comme si tout était normal. Bonne ou mauvaise chose? Mon Réjean protecteur aimerait me voir plus soucieuse de me protéger. La terre va continuer de tourner sans moi… mais je n’ai peut-être pas envie d’y croire. Et cette pulsion à ne jamais lâcher, n’est-elle pas aussi une partie de ma force guerrière?

Douche, petit déjeuner, 16mg dexamethasone avalées, préparation d’un casse-croute pour l’hôpital, choix d’un livre et de musique pour mon iPod. Mon regard lorgne mon ordinateur portable. Je lis dans les yeux de mon garde du corps : « N’y pense même pas. » À défaut, j’apporte carnet et stylo.

7 h 20 : départ vers l’hôpital. Je me sens bien. Je me sens même en superbe forme. Et j’ai un bref sentiment de nostalgie à l’idée de ne plus l’être. Marchant sur les bords du fjord, la veille, je marquais les haltes repos possibles pour mes marches futures auxquelles je ne veux pas renoncer. Je prépare ma stratégie reconstruction.

En route

Centre hémato-oncologie. Je tire le numéro 42 et passe à la salle d’attente. Bien vite appelée au guichet pour l’inscription. Un papier à glisser dans la boîte de réception de la pharmacie. Un second à porter au centre de traitement pour ma prise de sang, pesée, mesure (impossible de convaincre ma préposée que 5’4 équivaut à 1m64 et non pas 1m60 comme l’indique sa feuille d’équivalence. Le temps d’un doute elle préfère croire son papier et m’inscrit en perte de 4 cm). Suit l'installation du soluté. 

Mon pharmacien attitré, le très sympathique Réginald Tremblay, me donne une première dose de cortisone, 8mg d’ondansetron en prévention contre les nausées. Il prend le temps de m’expliquer ce qui va suivre : je recevrai d’abord ma dose de cyclophosohamide et par la suite le taxotère. Donnés séparément, cela permet d’amoindrir le choc qu’inévitablement le corps va ressentir.  

- « Si picotement, douleur ou quelque malaise que ce soit, surtout n’hésiter pas à le dire », prévient-il.

Retour à la salle d’attente où deux écrans sont ouverts sur deux postes différents. La salle divisée en trois sections est bien occupée. Hommes, femmes et leurs accompagnateurs. Pas toujours des membres de la famille. Des bénévoles offrent leur temps pour véhiculer, attendre des patients qui n’ont personne pour prendre soin d’eux et partager leur angoisse. Il y a toujours de la grandeur chez l’humain.

Une dame coiffée d’un foulard, belle, dynamique est à ses côtés, en attente des résultats des analyses de ses plaquettes. Quand elle revient de son rendez-vous, elle dit au revoir, précisant que son traitement est retardé d’un mois. Ses plaquettes sont trop basses. C’est son quatrième cancer, confie-t-elle, ajoutant : « J’ai déjà gagné pas mal de temps, si je me rends à 60 ans je serai bien contente. » Ma gorge se noue.

Fauteuil numéro 10

Vers 9 h 30, je suis appelée.  Accueillie devrais-je dire par Marlène, mon infirmière attitrée et sa stagiaire dont le prénom m’échappe. L’infirmière chef, Line Bouchard supervisera au besoin.

Joie! On me demande si j’ai une préférence pour un fauteuil. Bien sûr, toujours là où il y a une fenêtre. Fauteuil numéro 10. J’ai compté une vingtaine de places, incluant quelques lits dans une pièce en retrait. L’ambiance est détendue, chaleureuse. Il y a les habitués qui observent les néophytes. Certains regards sont plus tristes que d’autres.


Chimiothérapie, le chaud et le froid
© Photo Réjean Leclerc

Il est 10 h. Bien assise, couverture préalablement réchauffée, c’est la coulée du cyclosphosphamide pendant les 30 premières minutes. Pas de casque protecteur pour les cheveux. Mais un bassin avec de la glace pour éviter la chute des ongles. La première étape se passe bien. 

10 h 34 : phase 2 le taxotère. Les gouttes coulent dans mes veines. Environ 15 minutes plus tard, je sens une douleur fulgurante au dos. J’en ai le souffle coupé tellement la pression est forte. Arrêt immédiat du traitement. On me donne de l’oxygène et le pharmacien accourt. Il explique que ce médicament est extrait des aiguilles d’if et peut provoquer une allergie.

La pause traitement a mis fin à la douleur. 11 h 20 : remise sous taxotère en moins forte dose. Des regards inquisiteurs surveillent mon état. Survient une pression douleureuse dans la gorge. Je le dis. Une toux provoque l'allerte. Stop! Mon pharmacien revient avec une injection de zantac. Suit une distribution de benadryl par le soluté. Ce dernier va provoquer de la somnolence, m’avertit Réginald. « Ah!? De toute façon je ne suis pas très occupée aujourd’hui! » Moins drôle est l’avertissement de sensation de brûlure et de montée rouge de la veine. À surveiller, sinon il y a risque d’éclatement et de voir s’épandre le remède sous la peau. Marlène surveille attentivement la montée rouge qui effectivement se manifeste, bien que la sensation de brûlure ait disparu.

12 h 25 : reprise du taxotère à raison de 25ml/h.
12 h 45 : on augmente à 50 ml/h
13 h 05 : un x sur ma peau pour souligner la progression de la veine rouge.
13 h 17 : taxotère à 100ml/h. Il semble que le benadryl soit efficace.
13 h 39 on passe à 200ml/h. Tout va bien, si ce n’est que Marlène soucieuse sollicite l’avis de l’infirmière en chef. Avec raison, celle-ci interrompt la coulée, le temps de replacer le cathéter dans une autre veine.
14 h : taxotère à 400ml/h
14 h 45 : début nausées, légère douleur au dos, somnolence. Nouvelle injection de ? pour m’aider.
15 h 30 : Fin. Et dernières instructions dont je me souviens plus ou moins. On me remet de la documentation, m’invite à ne pas hésiter à téléphoner et me donne une trousse de soins pour les dents, la peau et les ongles. Je me sens passagère en classe affaire pour un vol vers la guérison.

Retour à la maison

Sensation de fatigue extrême, mais plus encore bonheur d’être de retour à la Maison heureuse. Tendre moment avec les enfants venus faire des câlins à leur Mamieke. La vie est là. Ma vie. 

*** 

mardi 27 mars 2012

Des cheveux courts

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27 mars

Demain, Christiane retourne au combat. Je me prépare de toutes les façons.

Ma cote de mailles est tricotée des pensées chaleureuses par vous envoyées. Mon armure est bardée de tous les rires partagés. Mon esprit se dresse orgueilleux de l’amusant pied-de-nez fait au cancer lors de mon dîner d’anniversaire où le crabe a été dévoré dans une ambiance festive.

Hier, j’avais rendez-vous avec Clément, mon coiffeur musicien qui transforme la coupe de cheveux en accords de guitare. Une coupe très courte, la plus courte. 

 Sous les ciseaux de Clément Tremblay, parée pour la chimiothérapie
© Photo Christiane Laforge
 
Cela, en prévention de la perte complète de mes cheveux qui surviendra, prédisent mes médecins, dix jours après le premier traitement en chimiothérapie. Par cette coupe, j’affirme que je dirige les opérations sans crainte des pertes inévitables. C’est le cancer qui m’a attaquée, mais c’est moi et mes alliés qui lui faisons la guerre.

Ce matin, en prenant mes comprimés de dexaméthasone, pour prévenir certains effets secondaires du traitement, je mesurais mon avancée sur le terrain. Oui, j’avance sans plaisir. Oui, tout l’inconnu des prochaines semaines me fait peur. Oui le meilleur et le pire se disputeront mon corps.

Demain, 8h, je serai au centre d’hémato-oncologie, au 2e étage de l’hôpital de Chicoutimi . En attendant, je continue de m’informer sur la chimiothérapie, sachant cependant que chaque cas est unique. Donc, en toute modestie, je suis unique!

Avec toutes les limites inhérentes à mon statut de patiente et non de spécialiste, je tenterai de partager ce que je vois le plus souvent possible.

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vendredi 23 mars 2012

Premier pas en hémato-oncologie

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23 mars

Mardi 20 mars 14h30 je me retrouve dans la salle d’attente du service d’hémato-oncologie de l’hôpital de Chicoutimi. Divisé en trois sections vitrées, ce lieu de patience réunit évidemment des personnes en guerre contre le cancer. Des hommes et des femmes en phase combat, la plupart accompagnés heureusement.

Devant moi un homme d’automne et son fils en fin de printemps. Je ne les vois que de dos et je ferme l’oreille à ce qu’ils disent tout bas. Je ne veux pas être indiscrète puisqu’eux-mêmes se font discrets. J’aime l’image de ces deux chevelures, grise et brune, rapprochées dans le murmure.

À différents moments, des appels sont lancés. Le nom d’un patient invité à se rendre à une porte numérotée. Je regarde une dame âgée passant à petits pas, la tête couverte d’une tuque qui m’envoie un aperçu de ma propre tête dénudée dans quelques semaines.

Je surveille la porte du bureau numéro 1 où se trouve l’oncologue qui va m’accompagner au printemps et une partie de l’été. Je l’ai aperçu entre ses sorties et entrées : un homme très grand, jeune, le pas pressé. D’autres personnes y accèdent avant moi, chacune avec sa propre histoire. Au fil du va-et-vient entre les différents locaux je n’ai vu aucune larme.

Une heure vient de s’écouler quand j’entends mon nom. Je suis une parmi d’autres avec son compagnon. Nous entrons et prenons place face au médecin qui nous accueille gentiment puis retourne aussitôt à son ordinateur ouvert sur des pages de mon dossier médical. Un dossier qu’il a pris le temps d’étudier admet-il, afin de me donner la médication la plus appropriée.

Nouveau bilan de mon cancer. De nouvelles précisions encourageantes. Sous réserve de mon inexpérience en ce domaine, disons que l’on exclut le marqueur Her2 de mon cancer ce qui accroît mes chances de victoire.

Opérations réussies. Les examens de l’ensemble du corps permettent désormais d’écarter toute trace de cancer... de cancer visible. C’est pour l’hypothétique présence de cellules cancéreuses invisibles que l’on envisage la chimiothérapie (4 séances aux 3 semaines) et l’hormonothérapie pendant 5 ans. Sans oublier l’incontournable radiothérapie qui suivra, un mois après la chimio.

-    Il n’y a plus trace de cancer, répète mon oncologue. Alors pourquoi vous injecter un poison?  On le fait peut-être pour rien. Mais, c'est la meilleure garantie.

Voilà sans doute une question que l’on doit se poser. J’ai beaucoup lu sur le sujet, avertie que je suis depuis le début de devoir subir une chimiothérapie. Je lui en fais part. Il comprend que j’ai compris.

-    Je veux être bien certaine qu’il n’existe même plus l’ombre de ce crabe. Je ne veux même pas imaginer qu’une parcelle puisse nous avoir échapper.

Je suis consciente que ce n’est pas sans risque. Je crois que le bénéfice est plus grand que les inconvénients. Je râlerai sans doute pendant les semaines à venir, mais jamais je ne détournerai les yeux de l’objectif ultime : guérir.

-    Vous utiliser le mot guérison ou rémission?
  
-    Je n’aime pas le mot rémission, rétorque le médecin. Cela sous-entend que le cancer est toujours là. 
   
-    Moi aussi, je préfère le mot guérison.

Une fois la décision prise, le Dr Houde m’explique les grandes lignes du traitement. Dans mon cas, il s’agit d’un protocole utilisant deux médications. Si je me souviens bien, cela se traduit par taxotere et cyclophosphamide  ou dans le jargon médical TC. 

Nous refaisons le point sur les effets secondaires. Il me rassure quant aux vomissements appréhendés. Une médication préventive nous est donnée pour éviter cela. Du dexamethasone 4mg m’a été donné. Deux comprimés matin et soir 24 heures avant le premier traitement. Idem le jour même et le surlendemain. J’aime bien l’idée d’occulter les nausées, mais j’espère ne pas troquer un désagrément pour un autre. Je lis ici : « Si le dexaméthasone diminue les nausées, il cause toutefois des effets secondaires tels qu’insomnie, indigestion, anxiété et changements d’humeur. » On le saura bientôt.
Ma première séance aura lieu la semaine prochaine, le 28 mars me prévient Karine au lendemain de ma visite. Un report de quelques jours à ma demande :

-    Est-ce un problème si on retarde de quelques jours? Le 24 mars, c’est mon anniversaire et je voudrais être en bonne forme pour manger du crabe.
   
-    Du crabe? Et pourquoi du crabe?
   
-     Pour montrer à mon cancer que c’est moi qui le dévore. Pas l’inverse.


À la pharmacienne qui apportait mes comprimés de dexamethasone en s’informant du jour de mon traitement, il explique aussitôt :

-    On commencera seulement la semaine prochaine car il faut d’abord manger du crabe. C’est très important, insiste-t-il devant son regard étonné.

Je lui souris, ravie.

Cette première rencontre avec l’oncologue m’aide à apprivoiser la prochaine étape. J’ai confiance.

Suit un premier face à face avec mon infirmière pivot, la dynamique Karine Martin au bureau tapissé de dessins d’enfants. Ceux des siens et de ses petits patients. Je trouve cela vivant, chaleureux. La froideur ne s’est pas installée dans ces lieux, l’indifférence non plus.

Karine complète l’information abondante déjà reçue, veillant à ne pas trop en ajouter non plus. On ne peut pas tout retenir en une fois. Elle propose la visite du centre de traitement.
 Un exemple de la salle de traitement, celle de l'hôpital Saint-Sacrement, Québec
Une porte vitrée s’ouvre sur un univers qui m’impressionne : une longue rangée de fauteuils accompagnés de l’équipement nécessaire à l’injection des produits chimiques. Pas de patients dans la salle. Il est plus de 16h. Seule l’infirmière qui les accompagne dans leur traitement est là, le regard lumineux et un grand sourire pour saluer sa future cliente.

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samedi 17 mars 2012

L'antre de la caverne

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Il pleurait sur Chicoutimi ce vendredi 16 mars, alors que je me rendais au rendez-vous post opératoire 2 pour entendre le verdict. Mauvaise nuit, anxieuse que j’étais malgré tout pour la suite. Non, il ne faut plus espérer un revirement. Je n’échapperai pas à la chimiothérapie imminente.

-    Bonne nouvelle, annonce mon chirurgien, les résultats sont négatifs.

-    C’est positif! Conclut mon amoureux- garde du corps qui tient mordicus à être présent à tous mes entretiens, soins et traitements.
 
-    C’est positif, assure le médecin, manifestement content de l’état de mes cicatrices et du contrôle réussi des enflures provoquées par le liquide lymphatique.

Si l’on veut imager la cicatrice sous l’aisselle, pensons à un vêtement déchiré, puis recousu sans l’ajout d’une pièce. Cela fait pli et rétrécit le tissu qui ne s’étirera plus jamais complètement. Il subsiste un inconfort qui s’atténuera sans disparaître totalement. Par contre, la cicatrice au sein est « belle ». En recoupant exactement au même endroit, on évite d’accentuer la blessure et le galbe reprend sa forme habilement préservée par le chirurgien.

-    Ce n’est que partie remise m’ont prévenue les expertes, la radiothérapie va transformer ta peau en cuir.

J’ai parlé à l’imparfait des douleurs énoncées dans une page antérieure. Après une fin de semaine d’une douleur permanente et pénible, une prescription d’analgésiques opioïdes (MS-IR) m’a été délivrée par mon médecin traitant. Deux prises de 5mg les deux premiers jours, de quoi retrouver le sourire. Une prise par jour de 5mg les deux jours suivants, puis zéro depuis le cinquième jour, de quoi retrouver l’imparfait.

-    Pas de soulagement avec les tylenols, lui dis-je, et je les digère très mal.

-   Cela prenait quelque chose de plus fort,
concède-t-il, content de mes ressources.

Examen terminé, on se retrouve face à face pour parler d’avenir. Au moins les six prochains mois en chimiothérapie. Chaque personne réagit différemment. Entre le pire et le moins pire. Dans son regard, je pressens qu’il jauge ma force combattive. Il lance :

-    Vous allez perdre vos cheveux

-    J’espère qu’ils repousseront bouclés. J’économiserai sur les permanentes.

-   Cela arrive souvent,
rétorque-t-il en souriant, expliquant plus sérieusement les possibles changements qui peuvent survenir.

On peut bien badiner, le sujet n’en est pas moins grave. Ce qui m’attend est une chimiothérapie adjuvante, c’est-à-dire qui suit un traitement chirurgical. « Elle a pour but de réduire le risque de récidive du cancer à distance (métastases), en agissant sur d’éventuelles cellules persistantes et non détectables après la chirurgie. »(source)

En quittant le bureau, où je ne reviendrai que dans quatre mois, je déclare terminée l’étape 1, en deux prises, qu’est l’extraction des masses cancéreuses. En route vers la seconde quête… il y a une princesse à délivrer.

Aujourd’hui, alors que le ciel troque le gris brouillard du matin contre un bleu nénuphar du midi, j’avance vers un mardi importun. Je me sens fauve au seuil d’une grotte obscure, dans un va-et-vient mental où il n’y a pas d’issue. Pour combattre l’ennemi je dois entrer dans les entrailles de ce lieu inconnu, effrayant. J’y affronterai inconfort et douleur. Et nul ne peut affirmer hors de tout doute que j’en sortirai indemne.

dimanche 11 mars 2012

Infirmière pivot

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Semaine laborieuse où l’écriture a occupé toute la place. Profitant d’un répit médical imposé par le délai d’attente postopératoire pour connaître le fin mot des analyses, j’ai rythmé mon temps comme une semaine régulière de travail. Objectif : rédiger deux textes majeurs que je dois livrer avant le 25 mars.

De longues heures devant l’ordinateur pour la recherche et la rédaction… comme jadis. Si j’en crois la cadence de mes pas dans mes kilomètres qui me mènent toujours plus près du sommet de la grande côte du rang Saint-Joseph je suis en bonne forme physique. Pourtant, au sixième jour de mon labeur imposé, je ne suis que douleur dans la nuque, le dos. Comme souvent au temps du travail régulier. Je me gronde de retomber si facilement dans le piège de mes excès d’horaire au clavier.

Et cela aurait pu me plaire parce que, pendant ce temps, ce fut souvent comme si le cancer cessait d’exister. Il ne se laisse pas oublier si facilement. À la douleur soudaine d’un coup de scalpel ouvrant la chair dont je parlais dernièrement, se sont ajoutées d’autres sensations désagréables. La cicatrice sous l’aisselle donne l’impression de refermer le bras sur un morceau de bois pénétrant sous la pression. Et le sein gauche irradie d’élancements presque constants, semblables à un coup que l’on se donne en se cognant contre le coin d’une table tout en devenant d’une lourdeur que je ne parviens pas à soulager. Devant l’inefficacité des antidouleurs je me suis résignée à prendre le dernier comprimé de morphine (5mg) qui me restaient sur les 20 prescrits après l’opération. Soulagement temporaire. Et après?

Infirmière pivot

Devrais-je téléphoner à mon infirmière pivot en oncologie? Laissons-lui son dimanche. Ce service existe depuis 2006. Elles ne sont que six dans la région pour répondre à de nombreux appels. De quoi s’étonner et apprécier leur constante disponibilité.

Justement, la semaine dernière CBJ a entrepris une série d’entrevues sur le cancer, afin de souligner la levée de fonds de Leucan dont le point culminant avait lieu samedi par une journée de ski au Mont Lac-Vert. Mercredi, l’invitée de Jean-Pierre Girard à L’heure de pointe était Karine Martin, infirmière pivot en oncologie. Celle-ci a bien décrit l’importance de ce service offert au malade et aux membres de leur famille, car explique-t-elle :« ... pour eux la terre a cessé de tourner.  Nous on est là pour essayer de faire tourner la terre un petit peu. »

L’infirmière pivot est le trait d’union qui assure un lien entre le patient et les services disponibles. Mais c’est aussi une oreille experte et attentive.

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Heure de pointe à CBJ : le lien

samedi 3 mars 2012

Au jour le jour


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27 février

L’énergie revient plus rapidement que lors de l’opération 1. Il est vrai que l’intervention a duré moins longtemps. Cette fois, j’espère profiter pleinement de cette parenthèse entre opération et chimiothérapie. Car c’est ainsi que j’apprends à vivre. En acceptant chaque jour pour ce qu’il est. Il y a des mauvais jours, comme samedi dernier. Douleur, nausées et fatigue. Il y a des bons jours comme ce lundi alors que le corps est comme une rivière délivrée de sa prison de glace.

Visite de ma grande amie L. cet après-midi. Trop courte visite pour combler les 500 kilomètres qui nous séparent depuis une décennie.  Elle me condamne à l’optimisme, se présentant pour preuve que l’on peut vaincre le cancer. Ajoutant exécrer le mot « survivante » utilisé pour les femmes ayant combattu avec succès le cancer du sein.

-    On n’est pas des survivantes, assure-t-elle, mais des victorieuses. On l’a vaincu.

-    Survivre : « réchapper à une catastrophe » définit l’encyclopédie internaute. Résister, continuer, demeurer, persister, rester.

-    Mais je te le concède, lui dis-je, j’aime bien l’idée de la victoire.  

28 février

Journée moins glorieuse. Trop abusé d’une énergie fragile. Le besoin d’aller marcher est impérieux. J’ai rebroussé chemin à mi-parcours, tristement heureuse de retrouver les bras de mon fauteuil.

Depuis fin janvier, surtout après mon entrevue à CBJ, j’ai reçu plusieurs témoignages. Des « victorieuses » soucieuses de m’encourager. Des agressées récentes qui avouent envier mon aveu public. Leur crainte est le regard des autres. Surtout le regard de l’autre :

-    J’ai épousé une femme complète. Pas question que je reste avec une demi-femme, lui a-t-il dit en la quittant, me raconte une dame outrée.

Elles craignent la pitié autant que le dédain. Le cancer du sein atteint la femme dans sa féminité et dans l’expression de sa sensualité. Elles ne veulent pas seulement survivre. Elles veulent vivre.

En phase combat, la préoccupation ne concerne pas ou peu les perspectives de reconstruction du corps mutilé. (Si ma recherche est bonne, il semble que la reconstruction mammaire post mastectomie pour tumeur maligne, que ce soit sur le sein mastectomisé ou sur le sein controlatéral, est d'emblée autorisée. Ceci s’applique aux codes 1386 et 1388.) Source RAMQ. Cela fait partie d’un « après » encore lointain. Tout comme la perte des cheveux : perruque, foulard, tonde?  Curieux que ces questions préoccupent tant les personnes non concernées, me suis-je dit.

Au cumul des témoignages, je comprends mieux pourquoi le silence des femmes. Le mot cancer frappe de plein fouet celle qui reçoit le diagnostic, mais tout son entourage est ébranlé. La majorité des « autres » se précipite sur les statistiques rassurantes de rémission.

-    C’est le cancer qui se soigne le mieux, me dit-on souvent.

-    Oh! que je suis contente!,
que j’ironise en silence. De quoi devrais-je me plaindre?
 
En fait, je ne me plains pas. J’affirme un fait : j’ai un cancer. Je confirme une action : je me bats. Et quand la douleur me rappelle le coup du scalpel ouvrant ma chair je râle. Cette soudaine sensation d’une coupure profonde qui m’assaille plusieurs fois par jour m’indispose.  
 
29 février

Pas question de musarder. Aujourd’hui je grimpe au moins le tiers de la grande côte.

-    Avance Christiane. Marche vers demain.

Au retour, appel de mon infirmière pivot, inquiète de ne pas avoir de mes nouvelles depuis la seconde opération. Je la rassure et décris mon quotidien. Elle me gronde gentiment.

-    Vous voulez aller trop vite. Vous venez tout juste de subir une seconde intervention. Donnez-vous le temps de récupérer.
 

Contente d’apprendre que je m’entête à aller marcher, elle m’a recommandé un peu de modération dans mes autres exercices.

-    Ah!? Je ne peux pas encore commencer les poids et haltères?

-    Surtout pas,
réplique-t-elle alarmée, avant de comprendre que je la taquine.

Elle ne semble pas pressée de raccrocher. Chaque fois, ces infirmières qui nous soutiennent me convainquent de leur disponibilité. Je les sens attentives. Les questions sont pertinentes et visent à entendre aussi ce que je pourrais taire. Justement, je m’inquiète de mon futur oncologue. Un congé de paternité l’a éloigné temporairement. Toujours à l’affût du bon côté des choses, je me dis que la seconde opération a suffisamment retardé le traitement en chimiothérapie pour lui donner le temps de revenir au travail. Un papa tout neuf, cela augure bien dans un combat pour la vie!

***