À la veille de célébrer le 2e anniversaire de la première bataille (opération) menée contre le cancer du sein, je me retrouve confrontée à cette fracture irréversible qui sape la base de ma propre force. Si orgueilleuse je suis de ma survie, je demeure désormais extrêmement vulnérable à l'idée d'une récidive. Les cicatrices qui lézardent ma poitrine et mon bras reflètent les traces invisibles d'une peur obsédante qui s'insinue en moi envers et contre toute raison.
Le cumul de symptômes dont on parle peu, du moins dans le cas des effets possibles consécutifs à la chimio ou la radiothérapie, nous plonge dans l'inquiétude et le doute. Que dis-je? Nous précipite dans la peur de découvrir que l'ennemi est de retour. Et tout bascule.
La raison suggère le déni temporaire, le temps de consulter, le temps d'avoir l'avis de celui qui sait...
L'émotion n'écoute que les échos de trop de cicatrices accumulées. Pire, ce n'est pas de reprendre le combat qui m'a le plus ébranlée ces derniers jours. Non, ce qui m'effraie le plus dans ce débat mental, c'est l'idée de la souffrance imposée de nouveau à ceux qui nous entourent et dont la tendre présence n'a jamais fait défaut dans les pires conditions de la maladie.
Au cours des différentes séances de thérapie, j'ai partagé la salle d'attente avec des femmes qui traversaient leur 2e, leur 3e, parfois leur 4e cancer. Je me disais, les admirant, si elles le peuvent je le pourrai aussi. Mais, au plus profond de moi, je souhaitais échapper à cela. J'y ai cru.
Puis, différents symptômes sont apparus : écoulements parfois teintés de sang, inflammation, douleur. Et finalement cette dernière alarme d'un mamelon rétracté qui m'a conduite dans une spirale d'émotions qui me donne la mesure de ma fragilité.
Il n'y aura pas de certitude. Il n'y a qu'un nouveau répit.
Ce matin, rencontre avec mon chirurgien, dont le calme contraste avec mon tumulte intérieur.
- Comment allez-vous?
- Un peu inquiète, lui dis-je.
- Racontez-moi.
Je raconte. Il écoute. Ausculte. Rassure.
Oui, il y a inflammation persistante. Oui, il y a donc douleur. Les écoulements ont cessé? C'est bien. Une étape de franchie. Oui, il y a manifestement modification du sein et contraction du mamelon. L'opération a créé un vide... il aspire. La radiothérapie a causé plusieurs dommages permanents. Et donc, 468 jours après la dernière séance de radiothérapie, les effets secondaires se manifestent encore.
Je me souviens de mon insistance auprès
des deux oncologues alors que je leur demandais combien de temps pour
guérir? Et toujours la même absence de réponse. On ne sait pas.
Bref, ces symptômes ressentis par des femmes n'ayant pas eu le cancer doivent les inciter à consulter au plus tôt. Par contre, pour certaines rescapées de cette guerre, ils seraient des dommages collatéraux de l'opération et de la radiothérapie. Ce qui n'exclut pas de demander un avis médical éclairé et encore moins d'assurer le suivi annuel, si désagréable soit la mammographie imposée à un sein déjà douloureux.
Et comme me l'explique mon zen médecin :
- Quant au cancer du sein, il y a des femmes qui s'en tirent mieux que vous. Il y en a qui s'en tirent moins bien. Chaque cas est unique.
- Ah! Je suis unique!
Je suis repartie avec le sourire. Un peu fatiguée cependant.
Au bilan : j'hérite d'un lymphœdème qui est une maladie chronique. Les douleurs se résorberont ou pas, nul ne peut prédire. Et la mammographie prévue en janvier sera l'annonce d'une nouvelle année de rémission... ou pas.
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À la publication de mon dernier billet, hier sous le titre « Fichu 16 décembre » où je confiais mon inquiétude, j'ai reçu de nombreux messages d'encouragement, de confiance et d'empathie. Je me suis permis de les ajouter dans les commentaires de ce blogue, afin de les conserver. Ces messages ne sont pas anodins. Ils sont précieux, une flamme à laquelle se réchauffe le cœur. Merci à vous tous.