Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois, je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés par ordre chronologique dans la colonne de droite.
Maintenant |
Voilà. C'est le jour F (pour fin) de ma cinquième année de traitement d'hormonothérapie. J'ai pris ma dernière pilule d'Arimidex. Pour moi, cela signifie la fin des traitements contre le cancer. Dans ma tête sonnent les cloches de toutes les églises. Plus qu'une armistice... Plus qu'une signature pour un traité de paix. J'entends le clairon de la victoire.
Mais qu'est-ce que ce jour précis de l'après cancer?
Selon mon médecin, ma rémission était effective à partir de la cinquième année après le diagnostic. Soit le 13 décembre 2016.
Selon mon chirurgien, ma rémission était effective à la cinquième année du premier traitement : l'opération. Soit le 16 janvier 2017.
Selon d'autres intervenants, la cinquième année était effective après la fin des traitements, dont la chimiothérapie et la radiologie. Soit le 23 juillet 2017.
Pour moi, la cinquième année allait être confirmée au dernier jour du dernier traitement. Soit le 23 août 2017 à 23 h.
En avalant cette dernière pilule, si petite et si blanche, j'ai pris conscience que les opérations, les traitements et la médication ont permis que je sois vivante. Ces médecins, ces infirmières et, derrière eux, tous les chercheurs qui travaillent souvent dans l'ombre, ont contribué à me donner la chance de vivre cinq ans d'une rare intensité. Aujourd'hui, ils me permettent d'envisager d'autres années de vie, de cette vie que j'aime tant. Cette victoire est un privilège. Et je ne l'ai pas gagnée toute seule.
Parlons-en de la chimiothérapie. Elle ne pas m'a pas tuée, elle a assuré ma survie. Et je dénonce qui ose prétendre que la chimio tue plus que le cancer quand on constate le taux de survie croissant grâce aux progrès de ces médecins qui luttent avec nous pour sauver notre vie. Ils sont mes soldats. L'enjeu était de taille. J'ai contribué à ma guérison, mais je n'étais pas seule. Ils ont été là, en première ligne avec moi, comme ils continuent de l'être avec d'autres. Ils ne se souviennent pas de mon nom... nous sommes si nombreux. Mais je me souviens de leur présence, de leur écoute et de leur volonté farouche de me convaincre de ne pas renoncer à me battre.
Le 26 août 2012, je prenais la première pilule d'arimidex (anastrozole). Je me disais alors : 5 ans, ce sera long. Oui ce fut long et je m'étonne à l'idée que ce soit fini. Tout en me réjouissant.
Suis-je en rémission? Suis-je guérie? Qu'importe le mot, car la seule vérité, c'est que je suis vivante.
Que dire aujourd'hui? Dois-je terminer là mon histoire? Écrire le mot FIN? Tourner le dos au passé? Tout oublier? Ou, au contraire, raviver les souvenirs pour ne jamais cesser d'avoir été une proie du cancer. Pas question de dire une victime.
Chaque personne – et elles sont nombreuses – ayant dû affronter ce mal, ne pourront oublier. La morsure de ce crabe est en nous pour toujours. Et nos cicatrices sont là pour en témoigner.
Je vis ma survie dans la discrétion. Je ne participe pas aux courses ou autres évènements commémoratifs et je n'encourage pas les tondes de cheveux. Mes dons sont anonymes. Je vis autrement ma vie avec le cancer. Admirative cependant pour toutes ces personnes bénévoles qui transforment leur expérience en don de soi si généreux. Mais qu'est-ce que la vie après le cancer?
Le cancer, même absent, ou latent, en rémission, ou même guéri, demeure. D'avoir été il ne cesse d'être. Choc post traumatique : toute alerte ravive une peur. Tout suivi nous rassure. Et assure notre force psychologique. Chaque année, après chaque nouvel examen dont le négatif devient pour moi positif, j'ai le sentiment de recevoir le cadeau d'une autre année de vie. Et je serre dans mes bras ces douze mois promis comme un cadeau précieux. Cette assurance que confirme le résultat d'une mammographie est d'une grande importance. Car je ne vis pas dans la certitude d'une invulnérabilité. Je vis avec la possible menace d'une récidive. Et donc, j'avance dans le temps, une année à la fois, me convaincant que, cette année, le cancer ne prévaudra pas contre moi. Pour l'an prochain, qui sait? Parce que la traversée du cancer ne permet plus d'ignorer que la bête qui a plongé ses crocs dans ma chair peut surgir à nouveau. Je les ai croisés, je les ai entendus, je les ai écoutés ces femmes et ces hommes qui, dans la salle d'attente, parlaient de leur deuxième, troisième et parfois quatrième agression. J'admirais leur courage, doutant du mien.
Aujourd'hui, curieuse coïncidence, j'ai reçu l'appel d'un ami très cher, m'annonçant affronter la récidive de son cancer au cerveau. Quelques mois plus tôt, les derniers examens montraient une totale disparition de son cancer. C'est cela notre réalité. La bête est sournoise. On peut la croire vaincue. Elle peut surgir à nouveau. Cet ami va se battre... « et encore gagner deux ans de vie ».
Il n'y a pas d'après le cancer. Il y a pendant le cancer et il y a entretemps le cancer.
Cinq années intenses : «J'ai pris conscience que les opérations, les traitements et la
médication ont permis que je sois vivante. Ces médecins, ces infirmières
et, derrière eux, tous les chercheurs qui travaillent souvent dans
l'ombre, ont contribué à me donner la chance de vivre cinq ans d'une
rare intensité. »
Photo Andrée-Anne Lachaine, 31 décembre 2016
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PS : Sur ce site et en privé plus encore, vous avez été nombreux à me demander plus de présence. À raconter certains aspects de la vie dans le quotidien, bien entourée ou dans la solitude. Je tenterai de répondre à vos questions. J'avoue avoir vécu ma renaissance sans vouloir regarder le passé. Mais ce passé des cinq dernières années, il existe et il est tissé d'un fil aux couleurs de ceux qui m'ont accompagnée dans mes forces comme dans mes faiblesses. Car le cancer, il ne ronge pas seulement sa proie, il atteint aussi nos proches. Alors, j'ose dire : à bientôt... peut-être.
Non. Vous ne pouvez vous arrêter là. Je vous ai suivi depuis le début et j'aimerais savoir où vous en êtes aujourd'hui. Quelle est votre vie APRÈS s'il y a un après. Je souffre aussi d'un lymphœdème et je ne trouve pas de personne pouvant me soigner. Mon médecin ne semble pas être bien informé sur cette maladie. Et je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne reconnaît pas cette maladie handicapante. Vous avez tellement de talent pour expliquer ce que vous vivez, ne nous laissez pas tomber. SVP
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