En 2011 au Canada, on estime à 23 400 le nombre de femmes qui recevront un diagnostic de cancer du sein et à 5 100 le nombre de celles qui en mourront. En moyenne, chaque jour, 64 Canadiennes apprendront qu'elles sont atteintes du cancer du sein et 14 Canadiennes mourront des suites de la maladie. Une femme sur neuf risque d'avoir un cancer du sein au cours de sa vie. Une femme sur 29 en mourra. Le 16 décembre 2011, je suis devenue officiellement une des 23 400 femmes ayant un diagnostic de ce cancer. En 2021, on estime que 229 200 Canadiens recevront un diagnostic de cancer et que 84 600 décèderont du cancer.


vendredi 24 février 2012

Opération 2


 Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois,  je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés par ordre chronologique dans la colonne de droite.



La veille de la seconde opération s’est déroulée dans le calme. Quelques courriels pour dire « Je pense à toi », mais pas de fiesta familiale avec les enfants ni de regards inquiets. Et finalement, pas de petite valise non plus en prévision d’une hospitalisation, convaincue de rentrer à la maison le jour même. Je mémorise chaque moment comme une simple observatrice. La même histoire et pourtant elle n’est pas identique.

C’est logique. Il n’y a plus l’espoir que ce soit un cancer sans gravité. Il n’y a plus le doute non plus sur sa réalité. On a cerné l’ennemi. On sait comment le vaincre. Cette opération prise 2 consiste à extirper de mon sein toute trace visible de ce cancer.

Je m’inscris à la réception avec l’assurance de celle qui sait où elle va. La salle d’attente déborde. Des couples, des parents, des enfants. Les futurs opérés et les accompagnateurs. Les appels se succèdent. M. ou Mme x salle 1 ou salle 2 dont on revient un bracelet d’identité au poignet pour l’un et un papier avec l’horaire et les directives pour l’autre.

À ma gauche, un jeune couple lit le dépliant bleu qui explique le déroulement de l’opération et les instructions post opératoires. Devant moi, un homme attend le retour de celle qu’il accompagne. Elle surgit souriante et murmure à son oreille : c’est négatif. Sa joie me plaît. À l’hôpital quand le résultat d’un examen est négatif cela veut dire que c’est positif… une bonne nouvelle!

À mon tour d’aller en salle 1. Je suis accueillie par une jeune femme qui se dit prête à répondre à mes questions. Sauf qu’elle n’a pas de réponse à la seule question que je pose. Je signe les autorisations requises pour la chirurgie et pour l’anesthésie et retourne en salle d’attente. Prévoir encore une heure avant le prochain appel.

Le 16 janvier, la préparation avait lieu autour d’un lit. Cette fois, j’ai droit à un fauteuil verdâtre d’une autre époque. De l’autre côté du rideau, un jeune garçon se prépare pour une intervention typiquement masculine. Il rigole à l’idée de la réponse qu’il veut donner quand on lui demandera s’il est bien à jeun : « Seulement des œufs, bacon, saucisses », répondra-t-il. Ce n’est que tout bas, un bref moment avant, qu’il avoue à sa mère : « Ça me fait peur ».

Les pieds gainés des longs bas blancs et couvre chausses, coiffée du bonnet bleu, vêtue d’un peignoir blanc, je tente de me réchauffer sous le drap, taquinant Réjean contraint de rester debout pour la prochaine demi-heure : 

- Moi je suis la patiente, mais c’est toi qui es patient.

Quelques revues traînent sur le bord de la fenêtre. Je risque un œil sur la plus récente (2003) au titre racoleur : « Ce qui séduit les hommes ». Ouf! Ces messieurs ne revendiquent pas des seins sans cicatrices. Ils veulent des amantes imaginatives, entreprenantes et sans attentes.

En route

Le jeune homme protecteur du 16 janvier est remplacé par une dame d’expérience. J’en profite pour poser des questions. Par exemple les noms des oncologues, curieuse de connaître celui qui s’occupera de ma chimiothérapie. Le trop court trajet ne lui donne que le temps de se présenter et de m’assurer que c’est elle qui va prendre soin de moi pendant l’intervention. 

La salle d’opération est plus petite que la première fois. Trois infirmières se préparent, prennent connaissance de mon dossier. On marque mon bras gauche d’un x. Une précaution pour éviter de se tromper de côté. Moment de doute : je veux que l’on me confirme le nom de mon chirurgien. Cette fois, il ne viendra pas me saluer avant et me dire les mots rassurants : « tout va bien aller ». Je n’ai que le temps de voir le bleu des yeux de mon anesthésiste, Édith Massé. 

- J’aime ce prénom, lui dis-je. Il est rare et il m’est précieux.
- C’est vrai qu’il est rare, réplique Denise. C’est comme des Denise, c’est un prénom qu’on ne retrouve plus chez les nouveaux bébés.

J’ai à peine le temps de sentir qu’on installe mon soluté, d’entendre qu’on va me faire une injection et puis qu'on me mettra un masque pour l’anesthésie… que je refais surface le temps d’exprimer la douleur ressentie. Rien n’est précis, je sens une présence, puis me réveille dans un autre environnement. Des impressions se succèdent, se confondent, surgissent, disparaissent. Je m’agrippe à ce début de conscience retrouvée. Je tiens à m’éveiller, à sortir de ce brouillard. Objectif ultime : rentrer chez moi. Plus de sept heures de sont écoulées depuis mon arrivée au sixième étage de l’hôpital de Chicoutimi.

Habillement, chaise roulante, voiture, halte pharmacie et, oh! réconfort, maison.

Surlendemain

Je flotte agréablement dans cet environnement chaleureux. Je suis orgueilleuse de me sentir à ce point en forme, jusqu’à ce que je découvre que cet état de bien-être et sans douleur n’est pas étranger au fait que la dose du médicament prescrit est cinq fois plus forte que ce que j’avais eu à la première intervention. À l’humilité retrouvée se joint un élan de gratitude envers mon chirurgien qui me soustrait ainsi au difficile lendemain de l’opération précédente.

J’apprivoise l’idée que ne rien faire aujourd’hui est ce que je peux faire de mieux.

Demain, il sera encore temps de m'interroger sur ce curieux clapotis qui se manifeste dès qu'un mouvement fait bouger mon sein gauche.

***

lundi 20 février 2012

Le temps est différent


  Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois,  je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés par ordre chronologique dans la colonne de droite.

Les jours se succèdent, mais il y a une différence. Le présent bat le rythme de l’attente d’une étape. Le futur est une grande scène de théâtre où les rideaux fermés cachent le décor. J’ignore tout de ce qui va se jouer, hormis ma vie.

Petite retour sur les jours précédents
 
Après la seconde ponction, le soulagement a été de courte durée. Le lendemain, l’enflure a repris sa place. Le surlendemain la douleur s’ajoute à l’inconfort. 
 
Je sais ne pouvoir rejoindre ni mon chirurgien, ni mon médecin de famille avant lundi. Je tente de trouver, une fois de plus des réponses sur l’Internet.

Cela demeure dans la normalité me répète ma raison. Pour la plupart des opérées 80% n’auront pas à recourir à une ponction. Pour 20% il peut y en avoir une ou plusieurs. Plus je sens croître cette « grosseur » liquide plus je m’éloigne de tout ce qui n’est pas cette sensation désagréable. 
 
Au bureau du chirurgien, la secrétaire m’assure un rendez-vous pour le jeudi 16.  Sensible à mon désarroi et aux consignes du médecin, elle s’engage à communiquer avec lui dès lundi au bloc opératoire afin qu’il puisse me recevoir à l’hôpital. Je sens et apprécie que l’on se soucie de moi. En même temps, j’apprends que pour une personne souffrante ou en détresse les samedi et dimanche sont des ennemis.
 
Je dois trouver une solution temporaire. Pourquoi pas de la glace? Les compresses souples légèrement coussinées que l’on met au congélateur sont requises. Le froid et la pression ne réduisent rien, sinon qu’elles me donnent l’impression de contrôler l’enflure. Illusion, me dira le médecin, le froid n’y est pour rien. Par contre, la pression a pu aider.

Tel que promis, je suis vue par mon chirurgien à la clinique externe de l’hôpital. Ponction 3 de 280 cc. 

Suivie d’un pansement destiné à faire pression pour maintenir collée peau contre chair. Je quitte la clinique toute joyeuse de mon bras retrouvé. Je bats des ailes pour savourer. Le jeudi, retour au bureau du médecin pour enlever le pansement et constater une nette amélioration. Si ce n’était de la cicatrice qui… mais là vraiment, je crois que je vais tolérer. Un certain temps du moins!

Entre deux temps
 
De retour à la maison, je compte bien profiter des cinq prochaines journées. La parenthèse souhaitée avant la seconde opération du 22 février. J’aspire à oublier, un moment, que je fais partie des femmes touchées par le cancer du sein.

J’y arrive souvent. Jamais totalement. Non pas pour me plaindre ou courber l’échine. Non, simplement parce qu’il m’est impossible de faire des projets à court terme, sachant que dans un mois, commencera la chimiothérapie. Parce que chaque matin je m’éveille de plus en plus tôt et que la première pensée qui traverse la brume de mes rêves, c’est le cancer. Je tente d’écarter le mot qu’aussitôt tourbillonnent dans ma tête toutes les tâches qu’il me faut absolument terminer avant de ne plus en avoir la capacité. 
 
Je prends conscience d’un temps qui n’est plus comme avant. J’ai vécu des urgences santé frisant la catastrophe. Plusieurs fois. La chute brutale. La vie sauvée. La reconstruction. La différence avec le cancer, c’est qu’il nous habite.  Un envahisseur sournois qui exige un abandon, une confiance totale envers ces médecins dont la science et l’expérience sont mes alliés.

***

jeudi 9 février 2012

Les petits deuils

  Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois,  je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés par ordre chronologique dans la colonne de droite.

Depuis que ma petite-fille Élika a découvert sous le sapin de Noël l'enveloppe contenant SON billet d'entrée pour l'opérette de la Société d'art lyrique du royaume, Les Brigands, j'anticipais le plaisir de l'accompagner à cette soirée. Tout un privilège pour une petite de 4 ans. La grande sortie avec son Papili et sa Mamieke.

L'intervention d'hier n'a pas eu l'effet souhaité. Inconfort, douleur croissante et malaise insidieux depuis la nuit dernière. Je reste à la maison. La maman d'Élika hérite de mon billet. J'entends le silence qui suit le départ de la voiture où la petite a pris place avec des cris de joie. J'entends le silence de ces petits deuils qui se multiplient depuis décembre. 

***







mercredi 8 février 2012

Ponction... prise 2


 Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois,  je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés par ordre chronologique dans la colonne de droite.


 
Questionné sur la probabilité de recourir une seconde fois à la ponction du liquide séreux postopératoire, mon chirurgien avait répondu :

-    Peut-être. Et si cela est, ne surtout pas tarder à prendre rendez-vous, insista-t-il.
-    Oui, oui… Je promets de ne plus attendre.


Après trois jours de répits, la probabilité devient une certitude. Premier hic : le bureau médical n’est pas ouvert en fin de semaine.  Attendre lundi. Appel à mon chirurgien où on ne répond au téléphone qu’entre 13h et 16h30. Quand la ligne est occupée, pas d’alternative, sinon de recomposer plus tard. Mon plus tard est devenu trop tard passé 16h30. Je recommence mardi 13h01, avec succès vers 14h.

Pas de chance, mon chirurgien est absent pour la semaine. 

-    Est-ce qu’un autre médecin de la clinique peut le remplacer, puisqu’il m’a recommandé de ne pas attendre? 
-    Non,
se désole mon interlocutrice, pas avant lundi prochain.
-    Que puis-je faire?
-    L’urgence,
suggère-t-elle.
-    Je risque fort de ne pas être une urgence. Je vais plutôt aller voir du côté de mon infirmière pivot.
-    Oui, c’est une bonne idée!
dit-elle manifestement soulagée.

L’infirmière pivot en oncologie est l’ange gardien des cancéreux.  Pourtant, malgré ses propres tentatives, elle me rappelle pour me dire qu’elle n’a pas de solution en vue. 

Même si tout cela est décrit comme faisant partie du processus de guérison normal qui va s’estomper avec le temps, l’importance de l’enflure, la douleur de mon bras et la sensation d’avoir ma peau qui se décolle de ma chair me convainc de rejoindre mon médecin de famille. Je franchis le premier « impossible cette semaine » et obtiens l’assurance que mon appel lui sera transmis.

Quelques heures d’attente… confiante cependant, sachant qu’il ne me fera pas défaut. Je veille, farouche, à ce que personne ne mobilise le téléphone. Je suis la priorité. Sonne le téléphone, se calme l'impatiente.
 
Permission accordée de me faufiler entre deux patients ce mercredi matin.

Ponction, prise 2  de 350 cc

Dans le guide pour les femmes Comprendre les traitements du cancer du sein, je lis : 
« Si vous avez subi une ablation des ganglions lymphatiques, il se peut que vos perceptions sensorielles soient altérées le longs de la partie interne supérieure du bras. […] Ceci peut entrainer :
-    une absence de sensation ou des sensations réduites
-    des engourdissements
-    une froideur
-    une faiblesse au bras
-    une sensibilité au toucher ou à la pression
-    une sensation de brûlure ou de picotement.
Ces symptômes diminuent ou disparaissent après quelques mois. Il peut être difficile de soulager complètement les symptômes chez certaines femmes, mais il existe des traitements qui peuvent aider. »


Je le confirme, tous ces symptômes se peuvent.

Il est  fortement recommandé de consulter si rougeur, enflure ou fièvre.

À chaque ponction s’accroît le risque d’une blessure, d’un traumatisme interne, d’une infection. De tout ce que j’ai lu, c’est une minorité d’opérées qui se retrouvent avec des ponctions répétées. J’aimerais mieux faire partie des minorités de Loto-Max.

***

samedi 4 février 2012

Entre parenthèse


 Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois,  je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés par ordre chronologique dans la colonne de droite.


Appel de l’hôpital vendredi matin. La seconde opération aura lieu le 22 février.

Je range l’information dans un coin, occupée que je suis à préparer la fête d’anniversaire de mon fils dans une Maison heureuse envahie par la jeunesse.

Aujourd’hui, lendemain de la fiesta, j’éprouve un peu de nostalgie à l’égard d’un temps pas si lointain où mon énergie me semblait infinie. Je vais devoir envisager d’être plus sage…. Seulement après demain. Car dimanche, c’est la tradition instaurée dans le plaisir depuis plus de 17 ans quand Ariel a commencé à jouer au football au secondaire : on dresse une table remplie de victuailles et on regarde le Super Bowl avec les amis.

Lundi je poursuivrai ma quête d’informations. J’apprivoiserai cette terre nouvelle où me précipite le cancer. Sans doute irais-je m’inscrire sur ce forum fort bien fait et superbement nommé Les Impatientes.

Lundi je m’efforcerai de considérer que les seize prochains jours sont une parenthèse, sorte de trêve entre deux batailles où je veillerai à savourer pleinement ce bien être physique retrouvé dix jours après l’opération du 16 janvier. 

mercredi 1 février 2012

Retour à la case départ

   
 Pour ceux qui arrivent sur ce blogue pour la première fois,  je suggère de commencer par le début. Les liens sont présentés  par ordre chronologique dans lacolonne de droite.

1er février

Rencontre hier avec mon chirurgien. Dans la salle d’attente trois personnes me précédaient, quatre autres me suivaient.  Un contretemps a provoqué un retard dans les consultations. Mais les patients ont l’habitude. Attendre s’inscrit dans la norme à laquelle se résigner.

Je les observais me disant que chacune vivait son histoire. La première doit revoir le médecin dans trois mois. C’est donc qu’elle a franchi les étapes et qu’elle est dans le suivi. C’est d’abord aux trois mois, puis au six mois, puis une fois l’an. Le second, seul homme en attente feuillette un magazine sur les automobiles de luxe. Il a choisi un siège dans un coin, face à la porte du médecin. Lorsqu’il délaisse la revue, il s’isole dans une bulle, ne regarde personne, même les nouvelles entrées, jusqu’à l’appel de son nom. La troisième est calme, silencieuse. Ses cheveux noirs coupés courts sont brillants, bien coiffés. Je me dis que mon coiffeur Clément admirerait en lui disant que c’est bon signe : des cheveux sain sur un corps sain.

Je sais que je serai reçue après elle. 

La numéro cinq est jeune. Une grande femme qui ne tient pas en place. Elle entre et sort plusieurs fois, consulte et range son téléphone « intelligent » à un rythme qui pourrait trahir l’anxiété, car elle ne se concentre jamais longtemps. Peu avant que je quitte la salle, sans doute croyait-elle que c’était enfin son tour,  elle passe la courroie de son sac par dessus sa tête, le manteau replié serré contre elle de ses deux bras, le buste penché vers les genoux. Prête au combat me suis-je dit, consciente que je nourris mon propre fantasme guerrier. Il existe des opérations bénignes qui pourraient justifier sa présence dans cette salle bien nommée salle d’attente. 

Un peu d’animation entre alors que s’installe un couple. Ils apprennent qu’il y a un retard de 30 minutes… une heure protestent « les déjà là ». Comme ils sont arrivés une demi-heure à l’avance, la dame hésite entre profiter de ce temps ailleurs ou se joindre aux patients. Mais où aller? Finalement le couple reste avec nous et entreprend un duel de mots croisés. Peu après une dame âgée accompagnée de son mari s’ajoute. Elle regarde ceux qui la précèdent et sourit à ceux qui la regardent.  Le lieu lui est familier. On la sent prête à répondre à toutes les questions. Mais personne n’est vraiment bavard. Moi, moins que quiconque, pressée que je suis de savoir.

 Mon tour

Le Dr Trudeau nous accueille, moi et un Rejean déterminé à assister à tous les entretiens, devinant que son amoureuse n’hésiterait pas à occulter certaines informations.

Priorité à l’état présent. Depuis une semaine je vis avec des douleurs au bras et un gonflement croissant sous l’aisselle qui m’inquiète. À tort, j’ai cru à un lymphoedème, possible après une telle opération, cherchant en vain comment me soigner. Il s’agit plutôt d’un liquide séreux post-opératoire. Et oui, madame, cela fait partie des problèmes inscrits sur la liste des motifs indiqués sous le titre : Quand appeler votre médecin, me suis-je remémoré en me grondant intérieurement, pendant que, plus gentil que moi, le docteur effectuait la ponction de près d’un demi litre de ce liquide séreux.

-    Est-ce que cela va recommencer?
-    Peut-être… probablement pas.
-    Et je fais quoi?
-    Vous m’appeler et on refait une ponction.

Tandis qu’il me soigne je tente d’autres questions. Très calme, il me sourit en répliquant :

-    Pas tout de suite
-    Ah! Je vais encore trop vite?
-    Une chose à la fois… vous savez, je suis un gars,
me taquine-t-il. Une chose à la fois.

Je ne parviens pas à ignorer les personnes qui attendent de l’autre côté de la porte et cherche à ce que la rencontre soit brève.  Mauvaise attitude. Je dois penser à moi. Car en ce moment, dans ce cabinet, c’est ce que mon chirurgien fait : s’occuper de moi.

En second : information post-opératoire

Le résultat des analyses confirment les prédictions. Sur les vint-et-un ganglions enlevés trois étaient cancéreux, les dix-huit autres n'étaient pas atteints. On s’est attaqué à un carcinome canulaire de 2,2 cm  T2N1. La chimiothérapie et la radiothérapie sont incontournables. 

À notre première rencontre je lui ai dit :
-    Je veux vivre. Je veux une vie de qualité. Je ferai tout pour cela. Je veux que vous preniez tous les moyens pour cela.

Un mois et demi et une opération plus tard, c’est encore le seul objectif.

Petit hic, hélas! La tumeur de 2,2 cm n’était pas seule. Dans ma tête je comprends qu’elle s’est entourée de petits satellites dont au moins un, si minuscule qu’il n’a pu être vu et capturé lors de l’opération. Heureusement, les analyses postopératoires ont débusqué l’ennemi caché.  Solution? Compte tenu de l’objectif ultime, parmi les options je choisis le retour à la salle d’opération. Pas question de laisser un soupçon de cette saleté dans mon corps. Je suis déterminée. Mon chirurgien aussi. Mieux! Il croit en ma victoire.

De retour à la maison, savourant mes retrouvailles avec un bras normal bien que douloureux, j’ai rangé mon cancer dans le tiroir demain.

Aujourd’hui c’est demain. Je pense au 3 avril, 29e anniversaire de mon fils. On fera la fête. Et voilà grand ouvert le tiroir de mes craintes : nouvelle opération le plus tôt possible ce mois de février signifie ne pas attraper de rhume, d’infection. C’est retourner à la case départ et ces journées « après » de récupération et de remise en forme que je viens de passer. C’est attendre de nouveau le résultat des analyses. Et seulement si le résultat convient, entreprendre la phase II.

Aujourd’hui… je voudrais être demain.

***